Vers le milieu du douzi me si cle un clerc inconnu se faisant appeler Turpin, archev que de Reims, crivit une 'histoire' de 'Charlemagne et Roland' en latin. L'inconnu s'identifia Turpin, guerrier saint et aime de la Chanson de Roland; son personnage inspire d'un Charlemagne d j monarque l gendaire et embl me vivant de cet id al tant envi du roi bon et fort, il donna pour compagnons Roland et ses pairs et, ayant travers avec ceux-ci et avec l'arm e des croises les preuves des guerres d'Espagne, il crivit la v rit sur tout ce qu'ils avaient fait et endur ensemble. Cependant, l'invention majeure du pseudo-Turpin est d'avoir fait de St Jacques le g nie tut laire de la croisade de Charlemagne en Espagne, le bon ange qui arrive miraculeusement au bon moment et enfin, l'intercesseur qui obtient le salut ultime de Charlemagne. La mati re de laquelle le pseudo-Turpin puisa son r cit est cette tradition pique fran aise dont une partie nous est esquiss e aujourd'hui, seulement dans son oeuvre. Les pisodes de cette croisade, qui dura quatorze ans, furent emprunt s l' pop e: ici, on pense surtout la Chanson de Roland et sa grande trag die de Roncevaux transform e, de po sie qu'elle tait, en historie contrefaite et en fausse pi t .
Nous avons dans Turpin 1 cette histoire-l . Elle fut traduite vers 1210--20 en fran ais, en prose, celle-ci devenant de plus en plus le v hicule privil gie par les raconteurs. La traduction n'existe plus dans sa forme originale, mais le manuscrit qui a servi de base au pr sent ouvrage reste fid le au texte latin, en plus d' tre r dig en prose claire et incisive. Les copies du manuscrit, neuf en tout, montrent avec quelle libert les scribes manipulaient la langue de l'original. Dans une r daction de notre Turpin I - une r daction repr sent e par six manuscrits et reproduite int gralement en appendice dans cette dition - la pr m ditation associ e l'intervention des scribes rev t plus d'importance. Vers la fin de la chronique, cette fois, on introduit St. Denis, que l'on pose en rival a St Jacques en lui confiant le r le qui non seulement assure le salut de l'Empereur, mais accroit l'importance de L'Abbaye de St-Denis a la fois comme si ge politique et comme v ritable coeur de la France.